Lemoine et Badot (2008) ont travaillé sur le cas d’Abercrombie & Fitch, enseigne américaine de vêtements casual et sportswear créée en 1892 à New York. Depuis sont acquisition en 1988 par Limited Brands, Abercrombie & Fitch se repositionne sur l’exacerbation de la séduction et de la sensualité. Les magasins d’une superficie de 700 à 2000 m² deviennent de véritable lieu de culte constituant en tant que tel une véritable attraction (accueil par un mannequin homme torse nu, ambiance discothèque, musique techno, comportements décalés des employés, obscurité importante, senteurs enivrantes). Ce fut également pour ces deux chercheurs une étude de cas fournies pour l’analyse de la démarche tribale de la marque enseigne…
Pour les auteurs, le niveau élevé de performance de la marque Abercrombie & Fitch repose sur un processus de tribalisation de sa clientèle : il faut appartenir à la tribu de la marque. En s’appuyant sur une recherche participative de type ethnographique, ils montrent que la marque a développé son approche tribale autour de trois leviers : la ritualisation du parcours-client, l’érotisation du personnel en contact et surtout l’exacerbation des stimulations sensorielles. La ritualisation du parcours client démarre par un repérage complexe des magasins (cf. celui de Savile Row à Londres) qui n’arborent souvent aucun repère commercial extérieur : « être client d’Abercrombie & Fitch, ça se mérite » (verbatim de l’étude). Le sas du magasin joue un rôle important avec une diffusion très forte de senteur sucrée et le contact (y compris tactile) possible avec un mannequin homme torse nu, se laissant caresser et prendre en photo : « ils sont vraiment bien foutus… je me dis qu’en achetant des protuits A&F, je fais un peu partie de leur club » (verbatim de l’étude). L’érotisation du personnel se fait par leur esthétique physique (jeunes mannequins hommes ou femmes de 18 à 25 ans) pour favoriser l’identification des clients, mais également par le mime de posture érotique et danses lascives pour illustrer le slogan de l’enseigne « all about sex ». Ils vendent moins que ce qu’ils contribuent à l’atmosphère festive et désinhibante du lieu, ils déculpabilisent les clients : les clients rentrent alors dans le jeu et l’espace de vente devient un lieu de contact. L’exacerbation des sens se fait à travers les senteurs et la musique techno diffusée très fort. Là encore cette démarche sensorielle vise à désinhiber le client pour favoriser les achats impulsifs : « pour moi, c’est avant tout un magasin où on peut se lâcher… » (verbatim de l’étude). La marque investit d’ailleurs fortement dans le réaménagement de ses points de vente avec des budgets de plusieurs millions de dollars. Cette étude (et la visite de magasins A&F) représente un cas particulier de marketing sensoriel où tout est poussé à l’extrême pour faire adhérer à la tribu de la marque. Evidemment, une telle démarche n’est pas toujours possible puisqu’au premier plan, la cible visée doit être particulièrement réceptive à ces codes sensoriels. Pour plus d’informations : Lemoine JF. et Badot O. (2008), Gestion tribale de la marque et distribution spécialisée : le cas Abercrombie & Fitch, Décisions Marketing, 52, 9-18
marketing sonore, affichage dynamique, marketing sensoriel & retail